Une randonnée en solitaire de 153 km dans les Highlands écossais

undefined 17 septembre 2018 undefined 10h25

Stephane

Une brume épaisse dans un paysage submergé de collines, de bois et de lacs, le tout dans un environnement mythique et mystérieux... Voilà que mon imagination a planté le décor de mon aventure dans les Highlands, que je vais traverser en suivant la West Highlands Way, un chemin de randonnée long de 153 kilomètres, en Écosse. C'est l'un des treks les plus réputés du Vieux Continent, qui nécessite entre 6 et 8 jours de marche, que je compte parcourir en solitaire et en autonomie, durant la basse saison, en automne.


Arrivé à Glasgow en début d’après-midi, je décide d'attaquer au plus vite la West Highlands Way. Seulement trente minutes de train depuis Glasgow me permettent de rejoindre le point de départ de la randonnée, dans la petite ville de Milngavie. Je suis pour le moment loin d’imaginer que les jours suivants vont m’entrainer dans la nature sauvage de l’Écosse. Le kilomètre 0 est signalé par une pancarte, à l’entrée d’un espace vert de la ville.

Cette première étape n’a rien d’excitant, et je comprends pourquoi une grande partie des randonneurs font l’impasse sur ces premiers kilomètres en commençant par la seconde étape. Je longe des routes, je traverse des champs et des propriétés privées, je marche sur du bitume… je m'impatiente de commencer la seconde étape. C’est à la hâte que je finis ma journée de marche en montant ma tente au crépuscule et en espérant que les paysages des jours suivants seront plus enivrants.

La brume écossaise s’invite durant les premiers kilomètres de la seconde étape, que je parcours au pas de course, pressé de voir enfin des paysages dignes de l’aventure recherchée. C’est à 360 mètres de haut que j’apprécie enfin le décor environnant, à Conic Hill, une grande colline qui surplombe la ville de Balmaha et son lac, le Loch Lomond, que je vais longer en partie durant les jours à venir. La nuit se fera dans le camping de Cashel, au bord du lac.

Octobre semble être un mois idéal pour randonner sur la WHW. Peu de marcheurs, une météo clémente et pas de midges, ces fameux insectes qui pullulent en été et mènent la vie dure aux randonneurs.

La troisième étape, longue de 25 kilomètres, me fait traverser des bois et s’annonce difficile physiquement, avec une douleur musculaire que je traine depuis la veille et qui n’a pas l’air de vouloir s’arranger. Arrivé à Inversnaid après 16 kilomètres, je me résigne à écourter l’étape pour entretenir toutes mes chances de pouvoir finir le trek dans quelques jours. Le chemin de la WHW n’est pourtant pas très difficile, mais je traine les efforts consentis il y a à peine un mois, au cours d’une randonnée d’une semaine en Laponie suédoise. Le poids de mon sac ne fait rien pour ménager mon corps. Mais ça ira mieux dans quelques jours avec la diminution progressive de mes vivres. Je finis la journée avec un ferry puis un bus, pour rejoindre un camping à Tyndrum, un village dont le pub propose des hamburgers bienvenus à l’issue d’une journée physiquement difficile.

Quatrième jour. La nuit glaciale passée dans ma tente, à près de -5°, n’entame pas ma motivation, d’autant que le soleil qui pointe son nez me prouve que l’Écosse ne vit pas en permanence sous la pluie. Je décide d’écourter une partie de l'étape du jour, en me rapprochant grâce au bus. Cette journée me fait oublier mes soucis physiques avec des paysages enfin dignes des Highlands : hauts-plateaux, bois de conifères, collines, lacs… le tout sous des magnifiques couleurs automnales.

Je me sens enfin en pleine nature et c’est l’occasion de planter ma tente au milieu de nulle part, avec autour de moi les cris des nombreux cerfs (c’est la période de rut). Je suis alors loin d’imaginer la nuit que je m’apprête à passer… En effet, durant la nuit, les cerfs se rapprochent du cours d’eau à proximité de ma tente et se font un plaisir de bramer de plus en plus fort. Leurs cris très puissants portent à des kilomètres. Une nuit agitée donc, et des moments inquiétants lorsque j’entends des pas de cervidés à quelques mètres seulement de ma tente… Ma curiosité m’entraine au-dehors, en pleine nuit, où je peux observer un ciel étoilé magnifique mais aussi de multiples paires d’yeux rivés sur moi à seulement quelques mètres, sans que je puisse en dessiner le contour. Moment troublant pendant lequel je me sens bien seul et vulnérable. De retour dans mon sac de couchage, je subis une nuit glaciale au cours de laquelle je peine à me réchauffer malgré les multiples couches de vêtements.

Cinquième jour. Le lever du soleil tant attendu ne fait que confirmer ce que j’ai ressenti durant la nuit : la température est descendue bien en-dessous de 0, comme le confirme le givre présent sur ma tente et au sol. La brume m’accompagne pour les premiers kilomètres de cette nouvelle étape, mais les rayons de soleil, habituellement rares en cette époque automnale, les dissipent peu à peu. Ma marche solitaire se poursuit, rares sont les rencontres avec d'autres randonneurs en cette fin de saison de randonnée. Marcher ainsi permet de se retrouver seul avec soi-même, de prendre le temps de la réflexion sur les sujets du quotidien dans une époque où l'on prétend manquer de temps, et où l'on préfère courir sans trop savoir pourquoi et dans quelle direction... 4 heures de marche sont nécessaires pour arriver jusqu'à la petite station de ski de Kinghouse dans laquelle je plante ma tente pour la nuit.

En cette matinée du sixième jour de marche je dois affronter l'ascension la plus difficile de la WHW, "L'escalier du diable" et ses 260 mètres de dénivelés sur 1,5 km. Des randonneurs locaux profitent de leur dimanche pour enfiler leurs chaussures de marche. Je me sens du coup moins seul aujourd'hui. 30 minutes de marche suffisent pour arriver au sommet, la montée n'aura finalement pas été si difficile que le laissait présager son nom. Ici, je suis au point le plus haut de la randonnée, à 548 mètres, sachant qu'en Grande-Bretagne, le sommet le plus haut (Ben Nevis) ne culmine qu'à 1344 mètres.

J'arrive au village de Kinlochleven dans l'après-midi, après avoir terminé l'étape du jour dans un environnement boisé et répétitif. Les paysages que j'affectionne sont surtout ceux me faisant marcher dans des grands espaces à la vue dégagée et lointaine. Je monte ma tente dans un camping de ce petit village, qui ne donne envie d'y faire qu'une courte étape.

Au septième jour de marche, la fatigue commence à s'installer. Il ne me reste plus que 24 kilomètres pour achever la West Highlands Way et arriver à Fort Williams. La motivation d'un dernier jour de trek est différente de celle du premier jour : l'envie de dépaysement et d'aventure laisse place à l'envie de retrouver ses proches et le confort habituel. C'est ce que j'apprécie en faisant des treks sur plusieurs jours : revenir à l'essentiel et se rendre compte du confort dont nous bénéficions au quotidien. Cette dernière étape me fait profiter une dernière fois des paysages des Highlands, des collines qui se sont couvertes des couleurs orange-ocre de l'automne, avant de terminer la traversée d'un bois au cours de laquelle les premières gouttes de pluie tombent depuis mon départ de Glasgow.

À l'issue de près de 7 heures de marche, je retrouve enfin la civilisation malgré mes courbatures et ma fatigue générale, en pénétrant dans la charmante petite ville de Fort Williams. Évidemment, une grande satisfaction s'empare de moi, content d'avoir réalisé cette randonnée, malgré quelques douleurs physiques qui m'auront contraint à raccourcir une partie de l'étape avec un bus.

Partir pour une randonnée en autonomie sur plusieurs jours constitue une aventure enrichissante, mais aussi un défi physique et mental qui exige de la volonté. Le rythme importe peu, chaque randonneur trouve sa satisfaction dans l'accomplissement de son objectif initial et dans tous les efforts qui ont été faits sur plusieurs jours. Une manière de repousser toujours plus loin ses limites.



CONSEILS
Ravitaillement : Des villages permettent de se ravitailler. On peut donc partir avec des sachets lyophilisés achetés en France et se ravitailler dans les villages.
Eau : Le long de la WHW, il y a des toilettes avec de l'eau potable, sinon il y a possibilité de remplir les gourdes dans les campings et hôtels, le soir.
Hébergement : Hôtels, auberges, campings… Il y en a pour tous les budgets. Une nuit dans un camping (avec sa propre tente) coute 10-13€, avec douche chaude et WC. Il m’a été possible de planter ma tente de manière sauvage une seule fois, dans un lieu prévu à cet effet, près de Inveroran Hotel.

ÉTAPES
Il existe de nombreuses possibilités de parcourir la WHW, en fonction du rythme de chacun et du choix d’hébergement choisi. Les 153 kilomètres sont généralement parcourus entre 6 et 8 jours. Possibilité de sauter des étapes grâce aux nombreux transports en commun. La première étape est sans réel intérêt et peut-être sautée grâce au bus Glasgow-Drymen.

ORIENTATION
Aucune difficulté pour trouver son chemin, il faut juste bien être vigilent sur la signalétique, notamment aux intersections. Il peut être intéressant d'utiliser une carte pour connaître les reliefs, les hébergements possibles, les points d’eau, les WC…

LOGISTIQUE
De l’aéroport de Glasgow au centre-ville : prendre le bus 500 (9€).
De Glasgow à Milngavie : prendre le train à Central Station. Environ 2 trains/heure. Arrivé à la gare, aller à la plateforme au sous-sol. 30 minutes sont nécessaires pour arriver à Milngavie.
Début du trek : de la gare de Milngavie, il suffit d’aller au centre-ville pour voir le panneau indiquant : West Highlands Way.

PÉRIODE
La période favorable va du printemps à l’automne. Attention au midges en été. Ce sont des insectes très voraces qui pullulent pendant cette saison. Je préconise tout de même l'automne (septembre-octobre) pour une affluence moindre, l'absence de midges, et des couleurs magnifiques.

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